l'escroquerie du lundi de pentecote

Publié le par pascal terrasse

L’actualité sociale laisse espérer un retour du lundi de Pentecôte : hors temps scolaire pour les enseignants, fractionné pour les entreprises, les dispositions initiales de la loi 2005-626 sont bien loin. Mais pourquoi ne pas l’abroger, tout simplement ?

L’actualité sociale des dernières semaines donne à penser que le lundi de Pentecôte retrouvera, en 2006, le rôle de fête familiale, sportive, associative ou spirituelle qu’il remplissait depuis 1886 : le dispositif, aberrant du point de vue du droit social, qui avait été mis sur pied par le gouvernement Raffarin, est en train d’être ajusté par des dispositions complémentaires qui en diminuent singulièrement la dimension coercitive.

En effet, la Direction des relations du travail vient de publier, ce 22 novembre, une circulaire précisant que la journée dite " de solidarité " pourra être fractionnée en heures, soit sept fois une heure sur l’année, par les entreprises du secteur privé. En outre, si la loi prévoyait initialement que le lundi de Pentecôte serait automatiquement désigné par défaut, en cas d’absence de négociation sur ce point entre partenaires sociaux et entreprises, il sera maintenant possible aux entreprises de fixer la date de la journée " de solidarité " par une simple note de service, sans passer par cette négociation préalable.

Côté enseignants, la situation évolue aussi vers davantage de souplesse. La première interprétation de la loi, qui avait contraint l’Education nationale à prendre, en quelque sorte, les élèves en otages, a été revue à l’inverse. Le ministère de l’Education nationale a publié un récent arrêté (JO du 17 novembre), sans aucune mention du lundi de Pentecôte, prévoyant que les enseignants devraient s’acquitter de cette journée hors temps scolaire. Il reste tout de même à prouver en quoi ces sept heures de travail obligatoire rapporteront quoi que ce soit au PIB, puisque, comme c’est le cas de tous les fonctionnaires, il n’y a pas de production de richesse industrielle...

Ces dispositions, si elles tendent à restituer aux salariés un lundi de Pentecôte qui avait été supprimé, maintiennent tout de même la confiscation des sept heures de travail. Il n’est pas certain que cette stratégie, préférée à la suspension de la loi 2004-626, soit la bonne.

D’abord, parce que la loi instaurant la journée " de solidarité " repose sur le concept de travail obligatoire non rémunéré, fortement sujet à caution. l’état fait l’objet d’une procédure devant le Conseil d’état pour ce motif, la France ayant notamment signé le traité de Nice, qui interdit tout travail forcé.

Ensuite, parce que le caractère injuste de la mesure est fortement ressenti : impôt discriminatoire, ne s’appuyant que sur les salariés pour financer - théoriquement - une dépense qui concerne tout le monde, la journée " de solidarité ", après avoir causé en 2005 les désordres dont on se souvient, ne peut qu’empoisonner durablement les relations sociales, et être la source de conflits sociaux récurrents, pour un motif qui n’en vaut pas la chandelle.

Et enfin, parce que son volet financier a été extrêmement mal pensé. La journée dite " de solidarité " est censée alimenter une Caisse nationale créée pour l’occasion, la CNSA, dont la Cour des comptes vient de signaler, par un rapport impitoyable, l’inadaptation totale : dispositif complexe, hétérogène, incohérent, aveugle et impossible à piloter, le diagnostic est sévère. D’autre part, ces fonds viennent se substituer à l’effort que faisait auparavant la Sécurité sociale, et ne les augmente pas : à quelques années près, il s’agit d’une opération de communication tout à fait similaire à celle de la vignette automobile, renforçant encore le sentiment " d’escroquerie ", selon le mot de Pascal Terrasse, député de l’Ardèche, qui avait crée l’APA. Et il est évident que prétendre résoudre la question de la dépendance à coup de " journées de solidarité " relève davantage de l’affichage que du sérieux.

Le contribuable découvre actuellement que la SNCF n’a pas provisionné les retraites de ses employés, que la France est en déficit de 1200 ou 2000 milliards d’euros, selon les modes de calcul, et découvre aussi que le problème de la dépendance est un des défis majeurs que sa population vieillissante lui impose d’affronter. Le moment serait bien choisi pour simplifier les processus, abroger les textes absurdes, dont la loi 2004-626 est un exemple typique, plutôt que de s’acharner à les conserver, et travailler enfin sur les solutions de fond dont notre pays a besoin.

L’actualité sociale des dernières semaines donne à penser que le lundi de Pentecôte retrouvera, en 2006, le rôle de fête familiale, sportive, associative ou spirituelle qu’il remplissait depuis 1886 : le dispositif, aberrant du point de vue du droit social, qui avait été mis sur pied par le gouvernement Raffarin, est en train d’être ajusté par des dispositions complémentaires qui en diminuent singulièrement la dimension coercitive.
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